Règle Pixar [22] – Définir la prémisse de l’histoire

What’s the essence of your story ? Most economical telling of it ? If you know that, you can build out from there.

Quelle est l’essence-même de ton histoire ? Son condensé ? Si tu es au clair avec ça, tu peux bâtir sur ces fondations.


[Que sont les règles d’or Pixar ? C’est expliqué ICI]

Tu as déjà entendu parler de « pitch » pour une histoire, n’est-ce pas ? Lorsqu’on évoque le fait de vendre son livre à un éditeur, ce terme revient souvent. C’est plus court encore qu’un synopsis ou un résumé : c’est ton récit condensé en une phrase, ce que des scénaristes comme John Truby nomment « la prémisse ».

Cet ultime conseil Pixar souligne que cette prémisse représente les fondations, le point de départ, la graine, la base solide à partir de laquelle tu peux bâtir tout le reste.

Avant de commencer…

Ce conseil N°22 génère quelques échos qui rappellent d’autres articles, ce qui est somme toute assez logique puisqu’il conclut cette série de conseils Pixar. Sur des sujets connexes, tu peux relire le conseil N°3 sur le thème de l’histoire. Tu peux aussi (tu devrais ?) lire l’article de Chris Winkle sur la définition d’une ligne directrice pour son roman (j’en ai réalisé une adaptation française sur le scribblog de Scribbook). Et comme je crois qu’un livre est intimement lié à son auteur, peut-être que relire le conseil N°10 sur l’ADN de tes histoires ou le N°14 sur ton besoin profond d’auteur peut compléter ta réflexion.

« De quoi ça parle, ton truc ? »

On en revient donc à cette question de base, si élémentaire qu’on l’oublie, si faussement évidente que la plupart des auteurs omettent de la traiter et ne s’en soucient que s’ils doivent présenter leur travail à un éditeur (et alors ils courent larmoyer sur les réseaux sociaux, paniqués : « rédiger un pitch, que c’est difficile ! »).

Oui, cet exercice est difficile, mais je pense qu’il l’est d’autant plus parce qu’on essaie trop souvent de le faire à l’envers.

Ce qui m’étonne, c’est que j’entends souvent parler de pitch de la part de romanciers qui souhaitent présenter leurs livres à des éditeurs (ou à des lecteurs, en mode « phrase d’accroche marketing »), donc a posteriori de la création. Ils pensent la rédaction de ce pitch comme un « méga-résumé » de leur roman (et oui, devoir résumer plusieurs centaines de pages en une seule phrase a de quoi effrayer). Tandis que chez les scénaristes, en général, rédiger la prémisse est plutôt la toute première étape de la phase de création. La prémisse n’est alors pas une grosse histoire qu’on aurait compressée, mais une graine qui ne demande qu’à germer.

La prémisse est le cap que tu te choisis pour ce voyage qu’est l’écriture, le fil d’Ariane pour ne pas te perdre quand tu dévies ou prends un chemin de traverse. C’est pour cela que Pixar en parle comme d’une sorte « d’étape 0 » : les scénaristes (en particulier de films) commencent généralement par cela, et la prémisse est un pré-requis par lequel ils passent avant de rédiger une note d’intention ou développer le thème.

Laisser mûrir la graine

Il est important de prendre son temps à cette étape, même si les obsédés du nombre de mots jugent cela inutile – passer des heures sur une prémisse de trois-cent signes, quel manque de productivité !

C’est pourtant le grand avantage de la prémisse que d’être très courte. Tu peux (tu devrais ?) en rédiger plusieurs, de différentes façons, pour explorer une même idée. C’est l’essence de ton concept : tourne ton envie dans tous les sens pour repérer la meilleure façon de la traiter. Et si tu ne parviens pas à faire tenir l’essence du récit en une phrase, c’est peut-être qu’elle n’est pas assez claire dans ton esprit.

« Le pitch, c’est l’histoire formulée en une seule phrase. C’est le lien le plus simple entre le personnage et l’intrigue, qui est généralement constitué d’un événement déclenchant l’action, d’une indication sur le personnage principal et d’une indication sur le dénouement de l’histoire. »

L’Anatomie du Scénario, John Truby

Un bon pitch pose un problème et induit un raisonnement, mais ne fait qu’évoquer. Il condense le concept de ton histoire et son thème, pose un contexte. Il dessine la silhouette de tes personnages, mais ne va même pas jusqu’à les nommer.

Quelques exemples :

Le Parrain : Le plus jeune fils d’une famille de mafieux se venge de l’homme qui a tiré sur son père et devient le nouveau parrain.

Matrix : Un hacker solitaire apprend d’un mystérieux rebelle la vraie nature de notre réalité et son rôle d’élu dans la guerre contre ceux qui la contrôle.

StarWars : Lorsqu’une princesse est en danger, un jeune homme devient un redoutable combattant pour la sauver et vaincre les forces maléfiques d’un empire galactique.

Mémoires du Grand Automne : Tandis que l’Arbre géant qui assure la survie de leur peuple arrive au terme de son existence, les membres d’une même famille se débattent chacun avec une étape du deuil.


J’aime l’idée de terminer ces conseils Pixar par celui qui reboucle sur le tout début de la création d’un récit. Merci d’avoir suivi l’intégralité de cette série d’articles (si tu en as manqué certains, la liste complète se trouve ICI ou dans le sommaire général du blog).



« C’est quoi la prémisse de ce blog ?
‘En dépit d’un goût prononcé pour des introductions et conclusions inutiles voire schizophrènes, un auteur de fantasy partage ses réflexions sur l’écriture et explore narration et dramaturgie.’« 

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(9 commentaires)


  1. J’avais pas compris que c’était les étapes du deuil ! Mais oui, maintenant ça paraît logique. Et c’est une excellente idée pour construire le fil rouge de cette saga. Décidément, ton histoire s’apprécie à bien des niveaux 🙂

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      1. Le 3eme apporte peut-être du flou (j’entends plutôt parler de négociation que de pacte, pour le deuil). C’est vraiment surtout que ça ne m’était pas venu à l’esprit de chercher une logique d’ensemble

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  2. C’est un très bon conseil, que j’aurais aimé suivre avec davantage de zèle en entamant mes activités d’auteur. Je pense que presque tous les écrivains, pour presque tous les projets, auraient beaucoup à gagner à en tenir compte depuis le départ. J’aime bien l’idée qu’il est utile de tourner le pitch dans tous les sens pour en explorer le potentiel.

    Cela dit, Pixar est une école de l’efficacité héritée du cinéma, et en littérature, je serais prêt à parier que des classiques à la structure lâche et à la prémisse floue comme « David Copperfield », « Les frères Karamazov », « Ulysses » ou même « Notre-Dame de Paris » n’auraient pas vu le jour si leurs auteurs avaient suivi ce conseil.

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  3. J’avais construit la prémisse de mon roman comme ceci « Une adolescente schizphrène se sert de ses pouvoirs surnaturels pour venger le meurtre de son frère » mais elle ne donne pas d’indication sur le dénouement de l’histoire. Est-ce vraiment obligatoire ? J’avais aussi comme variante : « une adolescente déprimée et sa seconde personnalité dotée de pouvoirs utilisent leurs talents surnaturels pour venger le meurtre de leur frère. » Parce que concrètement, je n’ai pas 1 personnage principal, mais deux personnalités distinctes.

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    1. Bonjour Rebecca.
      Il s’agit d’un exercice personnel, c’est la graine qui te permet de construire ton histoire. Donc il n’y a rien « d’obligatoire » (il n’y a pas de police du livre qui viendra vérifier tes exercices). En revanche, avoir une solide idée de la façon dont ça va se conclure, c’est très utile, et je t’encourage à essayer. Comment ça se termine au niveau dramatique (elle réussit à se venger ou pas ?), comment ça se termine au niveau thématique (elle apprend quelque chose de cette aventure ? Elle devient quelqu’un de meilleur, ou de pire ?)
      Bonne écriture !

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