« Tu prends quoi, toi, au petit-déjeuner ?
— Du café, et toi ?
— Pareil. »
Dans mon précédent post, je t’encourageais à te poser « les bonnes questions » pour créer tes personnages, en t’expliquant que tes fiches de caractérisation seraient forcément différentes d’un protagoniste à un autre.
Seulement, voilà : comment définir quelle question est utile ou pas ?
Grosso modo, pour qu’une information au sujet d’un personnage soit utile (à l’auteur pour l’écriture, ou au lecteur pour la lecture), elle doit correspondre à au moins l’un de ces deux critères :
1) être en lien avec le thème du récit, ou avec l’histoire prévue ;
C’est un roman d’aventures, et tu sais déjà qu’il y aura des scènes dans des grottes avec des chauves-souris ? Il serait alors pertinent de te demander quelle est la relation de ton personnage avec « l’aventure », ou s’il a aimé le film Batman (1).
Tu veux que ton livre parle de liberté ? Peut-être serait-il judicieux de te demander quelle relation tes protagonistes (TOUS tes protagonistes) entretiennent avec ce sujet ? N’importe quel trait en lien avec ce thème sera intéressant, et t’ouvrira des portes (pistes d’intrigues, arguments pour tes dialogues, débats d’idées, mises en situations…). N’hésite pas, tu peux creuser les détails : s’il s’agit du thème principal de ton livre, tu peux être certain que cette réflexion te sera utile, et que ce n’est pas du temps perdu.
2) être caractérisante.
Un élément caractérisant est un élément qui fait sortir le personnage de la norme, ce qui permet de le positionner par rapport aux gens « ordinaires », de le cerner.
Par défaut, tant que tu ne dis rien de ton personnage au lecteur, celui-ci l’imagine comme un être générique, avec des goûts génériques. Décrire en détail son petit-déjeuner dans ta fiche de personnage, s’il prend du café comme la plupart des gens, est-ce caractérisant ? Bien sûr que non. Si ton personnage entame sa journée par une tartine de rillettes trempée dans du thé, pour le coup, c’est caractérisant (encore faut-il une bonne raison de lui attribuer ce trait…).
Autre exemple, noter sur sa fiche qu’un personnage « aime le chocolat » n’a aucun intérêt : tout le monde aime le chocolat ! Ce trait est donc complètement inutile, sauf :
1) si l’histoire parle de chocolat, se déroule dans une chocolaterie, etc. (auquel cas l’auteur se demandera pour chaque personnage de cette histoire s’il aime ou non le chocolat, car c’est important pour ce récit en particulier) ;
2) si le personnage adore le chocolat à un point extrême (ce qui impacte forcément sa vie), ou si au contraire il déteste cela (ce qui n’est pas commun) : là, c’est une information caractérisante, et auteur comme lecteur s’interrogeront alors sur le « pourquoi ? ».
Comme expliqué dans le premier article de la série, certains auteurs adorent cumuler un nombre impressionnant d’informations sur un personnage, tout fiers d’avoir donné vie à des personnages complexes et fouillés… mais un trait qui ne sert à rien est un leurre, une fausse piste, qui va perdre le lecteur : en fiction, tout élément narratif doit être utile. Parce que, consciemment ou pas, le lecteur va chercher à comprendre le personnage, et que l’une des missions de l’auteur est qu’il y parvienne, au moins dans les grandes lignes. Pour chaque information que tu ajoutes sur ta fiche de personnage, demandes-toi à quoi elle sert, pourquoi elle est là. Si tu ne sais pas répondre… alors, est-ce bien utile de garder ce trait pour ce personnage ?
La longueur du questionnaire ne reflète en rien la richesse du personnage, et le nombre de points traités n’aura pas de lien avec son intérêt pour le lecteur : mieux vaut caractériser ton personnage avec cinq traits qui ont du sens, bien spécifiques à l’histoire et au thème, plutôt qu’en répondant en détail à un formulaire générique de 100 questions qui ne s’intéressent pas une seconde à l’histoire qui sera racontée…
Enfin, ce n’est que mon avis.
(1) On se moque de savoir s’il aime le film Avatar, par contre.
Personnages de fiction Vs Vraies gens (1/3)
Personnages de fiction Vs Vraies gens (2/3)
Personnages de fiction Vs Vraies gens (3/3)
Trait caractérisant : il a tellement aimé Avatar qu’il se déguise en schtroumpf le weekend.
https://www.google.com.au/search?q=schtroumpf+pantalon+a+l%27envers&rlz=1C1CHBF_frAU691AU691&espv=2&biw=1280&bih=748&tbm=isch&imgil=kGmajYiePBK_aM%253A%253BZiSV9lQ1tYgTbM%253Bhttp%25253A%25252F%25252Fforum.viedemerde.fr%25252Fsujet-13554-le-dernier-qui-poste-un-message-ici-a-gagne-version-4%25253F%25252526p%2525253D921&source=iu&pf=m&fir=kGmajYiePBK_aM%253A%252CZiSV9lQ1tYgTbM%252C_&usg=__-H1gJZC3m1OzUQaaurwCUuk_LAQ%3D&ved=0ahUKEwiGu4vt8djQAhWEerwKHcFuDXEQyjcILg&ei=li5DWIaYKoT18QXB3bWIBw#imgrc=kGmajYiePBK_aM%3A
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« certains auteurs adorent cumuler un nombre impressionnant d’informations sur un personnage, tout fiers d’avoir donné vie à des personnages complexes et fouillés… mais un trait qui ne sert à rien est un leurre, une fausse piste, qui va perdre le lecteur : en fiction, tout élément narratif doit être utile. »
Il y a une différence tout de même entre ce que tu vas savoir en tant qu’auteur et ce que tu vas donner au lecteur. Je fais des études de psycho, donc fatalement je me suis penchée sur la structure psychique de mes personnages, je suis capable de dire quel type de réponse tel personnage donnerait au Rorschach, je suis aussi capable de dire quelle relation il entretient avec sa grand-mère décédé quand il avait 6 ans, ça n’a peut-être aucun rapport avec l’histoire, ça ne sera sans doute jamais dit, mais à un moment ça fait sens dans la façon dont ce personnage, avec son expérience, va percevoir le monde et ne va pas entrer en résonance de la même façon avec tel ou tel élément. Bon, après c’est certain que la question n’est pas de savoir s’il aime les glaces à la pistache plus que celles à la vanille. Mais savoir si son canal sensoriel dominant c’est l’ouïe et non la vue ça ne sera pas directement donné au lecteur mais ça se sentira dans la voix propre du personnage et son mode d’appréhension du monde. Et là ça devient caractérisant sans même que ce soit énoncé clairement.
Après je te rejoins totalement sur la question de caractériser la saillance. Ça s’observe d’ailleurs de façon criante dans les descriptions physiques : souvent, le lecteur ne retiendra rien ou n’en fera qu’à sa tête quoi que tu lui dises, sauf l’élément saillant si tu parviens à correctement le mettre en valeur. Alors autant virer qu’il a les yeux bleus si le plus important c’est qu’il a le mauvais goût d’avoir une coupe mulet !
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