« Je te hais.
— Ah ?
— Oui. Mais j’aime tellement ça… »
La semaine passée, nous avons étudié quels traits pouvaient te permettre de faire aimer tes personnages du public.
Aujourd’hui, passons du côté obscur de la force, et voyons ce qui — au contraire — crée de la répulsion chez le lecteur.
Les personnages « qu’on déteste » :
— Ceux qui aiment faire mal, les sadiques, les brutes
Attention : le public n’a absolument aucun problème avec les personnages violents (heureusement, sinon on s’ennuierait sans doute beaucoup ;)). Par contre, si le personnage apprécie de provoquer douleur et peur, c’est une autre paire de manches, et cela devient un vrai obstacle pour se faire aimer du lecteur.
— Ceux qui réalisent des crimes pour des raisons non valables ou à l’encontre de victimes qui ne le méritent pas
Exactement comme pour le point ci-dessus, un personnage peut braquer une banque, voler quelqu’un, frapper ou tuer sans que ça ne dérange le lecteur… si le personnage a une bonne raison de le faire (forcé ? Pour une bonne cause ?) et/ou si sa victime est quelqu’un « qui le mérite » (à justifier dans le récit). Dans le cas contraire, il baissera dans l’estime du public.
— Ceux qui détiennent un pouvoir qu’ils ne méritent pas
Les personnages qui ont du pouvoir (le roi, les politiques, les patrons) partent souvent avec un handicap d’estime et un déficit d’affection, mais le plus souvent le lecteur ne se fait une opinion qu’en se rendant compte si ce pouvoir est mérité et bien utilisé… ou pas. Un roi juste qui veille sur son peuple aura le bénéfice du doute ; un despote qui a pris le pouvoir de force et en fait un mauvais usage sera méprisé.
— Ceux qui ne pensent qu’à eux, qui s’incrustent, les vantards
Nous avons tous eu de mauvaises expériences face à des individus de ce genre. Dès qu’on en rencontre un dans un livre, nos poils se dressent sur nos avant-bras, et le rejet est quasi immédiat.
— Ceux qui ne tiennent pas leur parole
Les indignes de confiance sont méprisés. Là encore, attention aux nuances : un personnage qui fait une promesse et échoue à la tenir (malgré ses efforts) ne rentre pas dans cette catégorie. Celui qui fait une promesse et, dans la scène suivante, fait sciemment tout le contraire, acquiert très vite un surnom injurieux dans la tête du lecteur. La trahison (volontaire) est difficile à pardonner…
— Ceux qui sont trop intelligents
Eh oui : tous les premiers de la classe le savent bien, dans la vie, on n’aime pas les intellos. Si tu souhaites que ton héros possède un gros QI, il faudra compenser avec certains des traits positifs vus la semaine dernière, car il partira d’emblée avec un petit handicap.
— Ceux qui sont fous
Les fous, par définition, sont hors norme, et donc différents : ils font peur. Une légère folie, avec peu de conséquences, peut entrer dans la catégorie des « défauts sympathiques ». Mais attention à ne pas dépasser cette limite bien floue, ou le lecteur pourrait très vite se détourner du personnage.
— Ceux qui n’ont pas d’humour, ne font pas preuve d’autodérision, qui rejettent leurs échecs sur les autres
Tu veux créer un personnage antipathique ? Mets-le face à une situation très amusante, et fais-lui garder un visage impassible voire glacial tandis que les autres rigolent. Ou montre qu’il est prompt à se moquer d’autrui, mais entre dans une fureur terrible à la plus petite moquerie sur sa personne. Ou montre-le commettre une erreur… et en rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. Effet garanti.
Comme je l’ai dit la semaine dernière, tout est affaire d’équilibre. Les traits négatifs listés ci-dessus sont tous plutôt « forts » : plus un personnage en cumule, plus il sera difficile (voire impossible) de le faire aimer du public, et plus il faudra contrebalancer avec des traits positifs.
Ensuite, tout dépend du type de récit qu’on construit, du genre, et de ses objectifs d’auteur ! Mais grâce à ces deux listes, tu peux gérer l’affection qu’on aura pour un personnage. Tu es désormais capable de créer un tueur sanguinaire terriblement sympathique, ou un monstre qui ne nous inspire que répulsion, selon tes besoins.
Personnellement, toutes mes fiches de personnage se concluent sur un tableau à deux colonnes où je liste les traits positifs et négatifs, juste pour m’interroger de façon plus ou moins objective sur la perception qu’aura le public du personnage. Les traits négatifs sont si puissants que, la plupart du temps, je les évite pour un protagoniste principal… mais j’évite aussi qu’il ne cumule trop de points positifs. De la même façon, je veille à équilibrer mes antagonistes, afin d’en faire des personnages qui ne soient pas tout noirs. Pas forcément des gens qu’on aime, mais tout au moins des personnalités que l’on respecte.
Mais ce n’est que mon avis.
🙂
Les deux listes sont résumées sur un pdf synthétique gratuit téléchargeable ICI.
Je fais un raccourci, mais si on combine le fait qu’on aime ceux qui nous attirent et qu’on n’aime pas les gens trop intelligents, bah, ça revient à dire qu’on aime les gens beaux et un peu cons. C’est moche quand même ! x)
Après, que ce soit les traits qu’on aime ou qu’on n’aime pas, je remarque (nota bene que je prends mon cas pour une généralité) que ce type de classement est très subjectif et que ça dépend des gens. Certains traits me parlent, d’autres pas du tout. J’apprécie les fous et les intelligents, les mystérieux m’exaspèrent.
Tiens, et je vois qu’il n’y a nulle part évoquer les couards, surtout les obséquieux ! Ceux-là, je les trouve marrants mais franchement antipathiques ! Ajoutez une pointe de félonie, et ils deviennent parfaitement exécrables, à un degré si élevé que je ne peux que m’incliner devant tant de vilenie. Quant aux sadiques, si je crache sur les brutes, je salue les intelligents, ceux qui torturent l’esprit et détruisent sur le plan psychologique. Ils sont, dans un roman, le miroir de l’écrivain que je suis, une sadique invétérée qui machinent, pour ces personnages, les tortures les plus machiavéliques. Une savante combinaison de traits négatifs peut engendrer du positif. Ce n’est pas une certitude. Mais ça marche chez moi.
Le problème qui se pose quand j’écrie et que je dois créer un personnage, c’est que j’ai besoin de l’aimer en premier, que ce personnage me plaise à moi, personnellement, avec ses qualités et ses défauts. Je suis quasi obligée de faire en fonction de mes goûts et de mes aspirations particuliers, et non en fonction de ce qu’un lecteur lambda aimerait. Je me rend bien compte que je me tire une balle dans le pied, à faire obstinément comme je l’entends, mais je suis contre les compromis. Je préfère laisser mes personnages entiers et essayer de transmettre l’affection que j’ai pour eux aux gens qu’ils y soient réceptifs ou pas. Avec les risques d’échec que cela comportent.
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Salut et merci pour ce si long commentaire !
Attention : ce n’est pas parce qu’on « n’aime pas les personnages trop intelligents » qu’on aime les cons ! 😉 Pour les couards, c’est vrai que c’est peut-être un oubli. Les obséquieux, je les classerais dans la même catégorie que les vantards. Ensuite, l’exemple du sadique que tu apprécies est typique : tu ne l’aimes pas « parce qu’il est sadique », mais parce qu’il est machiavélique (rubrique « rusé », qui est un point positif) – parfait exemple de compensation d’un trait négatif par un trait positif. On m’a déjà dit que ces traits étaient subjectifs, mais ce sont le fruits d’études psychologiques qui ne le sont pas tant que ça. Tu dis apprécier les fous ? Peut-être les gentils fous comme le personnage de la série policière « Monk » (rubrique « défaut sympathique »)… mais jamais tu n’irais t’installer dans un bus à côté d’une personne visiblement folle à lier.
Tout auteur a besoin d’aimer ses personnages (et pas seulement son héros, mais TOUS ses personnages) pour bien les développer. De plus, on ne peut pas anticiper et connaître les goûts subjectifs des lecteurs. Donc se baser sur ses propres goûts au départ est important ! Néanmoins, l’outil que je propose ici sert à prendre du recul et de l’objectivité sur un personnage : toi tu le connais de l’intérieur et tu peux l’aimer malgré ses défauts, mais le lecteur, que va-t-il en percevoir et en penser ? Un rapide passage en revue avec cet outil permet de cerner si le lecteur va l’apprécier ou pas, et pour quelle raison.
Mais, comme d’habitude, cela ne reste que mon avis 😉
A bientôt !
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Bonjour Stéphane ! Ce commentaire pour vous remercier pour article très instructif et pour… Tous vos autres articles qui m’aident grandement à écrire et étoffer l’histoire que j’essaye de raconter. Votre ton, votre clarté et votre humour rendent le processus d’apprentissage des techniques d’écriture bien plus fun. J’en suis à la caractérisation de mes personnages et vos apports m’aident à leur donner plus de nuances suivant l’effet voulu.
PS : j’ai lu votre biographie avec amusement parce que j’ai quitté mon sud natal il y a 8 mois en pleine crise de la trentaine pour partir en Nouvelle-Zélande, j’y suis toujours et c’est ici que je me suis lancée le défi d’écrire !
Merci encore pour vos articles.
Amicalement,
Une presque autrice en devenir.
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C’est le destin ! Profite de la Nouvelle-Zélande autant que tu le pourras (moi, j’en rêve encore).
À bientôt par ici.
🙂
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