Écrire une bonne scène de combat ou d’action (2/2)

« En garde !
— Pourquoi tu me dis ça ?
— Pour la forme… »


 

Suite de mon article sur la rédaction d’une scène de combat ou d’action, et petit point sur la forme.

1) Rythme varié

Un conseil récurrent sur les blogs d’écriture évoque la concision des phrases : on dit souvent qu’il faut éviter les descriptions (elles nuisent à l’action et provoquent des lenteurs) et qu’il faut privilégier les phrases courtes, parfois même sans verbe. Ce faisant, on donne une impression de tempo rapide. Tac-tac-tac.

Le problème, c’est que se lancer dans une série de phrases courtes, c’est se lancer dans un sprint. Cela conviendra si l’auteur écrit une scène de taille très réduite, mais s’il souhaite décrire une scène de longue haleine, l’auteur s’essoufflera à n’enchaîner que des phrases concises, et le lecteur avec.

Plutôt que de dire « scène d’action = phrases courtes », j’ai plutôt envie de dire « scène d’action = variation de rythme ». C’est la monotonie qui provoque l’impression de lenteur, même à tempo rapide (si ça fait deux heures que tu roules à 180 km/h sur l’autoroute, tu as l’impression de te traîner et tu t’endors au volant). Les brusques variations donnent une impression de vitesse (et ce même si tu conduis une vieille poubelle dans de petites rues où tu ne peux pas dépasser les 50 km/h).

2) Yoyo émotionnel

Tu connais le principe de l’ascenseur émotionnel ? C’est rêver d’une soirée pizza toute la journée, et apprendre au dernier moment que le camion-pizza près de chez toi est fermé (> déprime). Ou au contraire, faire croire à ton gamin qu’il n’y a plus de glace pour le dessert, alors que tu en as racheté en secret (> explosion de joie). Dans les deux cas, la pizza et la glace sont identiques, et ont le même goût, mais on en a renforcé la valeur (l’absence dans le premier cas, la présence dans le second) par une attente opposée.

L’auteur peut donc construire sa scène d’action sur ce principe : le but est de jouer sur le dénouement positif/négatif de l’action, en alternant espoir et désespoir, afin de renforcer la puissance du mouvement suivant.

yoyo

Par exemple :
— un adversaire se présente face au héros et fait une démonstration de puissance > il a l’air super fort, aucune chance que le héros le batte !
— après quelques assauts manqués, le héros a une idée astucieuse > l’espoir naît chez le lecteur, car on lui montre une possibilité de fin positive là où il ne l’avait pas imaginée.
— le héros tente… réussit sa manœuvre… mais ce qu’il avait pris pour une faiblesse de l’adversaire n’en était pas une, et le méchant ne subit aucun dommage > le désespoir est renforcé chez le lecteur : si même « ça » ne marche pas, il n’y a rien à faire !
Etc.

Ou à l’inverse :
— un adversaire se présente face au héros : il ne paie pas de mine, aucune chance que notre valeureux héros perde contre ce tocard !
— après quelques assauts où le héros ne parvient pas à atteindre l’autre, le protagoniste est blessé sans comprendre comment : il doute et le lecteur aussi, car on lui montre une possibilité de fin négative là où il ne l’avait pas imaginée.
Etc.

Selon la longueur de la scène, l’auteur peut alterner plusieurs fois espoir et désespoir, chaque poussée dans un sens renforçant le mouvement suivant. Analyse donc la scène de bataille du Gouffre de Helm dans le film Le Seigneur des Anneaux : à chaque moment d’espoir et morceau de bravoure répond un retournement négatif qui replonge le spectateur en plein désespoir, avant qu’une nouvelle étincelle d’espoir ne s’illumine, etc.

Décrire une longue passe d’armes sur plusieurs pages sans que l’un ou l’autre des protagonistes n’aie jamais vraiment l’avantage, c’est ennuyeux. Idem pour une course-poursuite : une bonne scène du genre n’arrête pas de nous faire balancer entre certitude que le héros va s’échapper, et certitude qu’il ne le pourra pas. Nous montrer les deux protagonistes se courir après deux heures durant sans que l’écart entre eux ne varie, c’est chiant.

Tous les maîtres de l’action, en littérature comme au cinéma, sont avant tout des maîtres du rythme.

3) Vocabulaire

J’ai volontairement conservé ces conseils pour la fin, car tu les as surement déjà lus ailleurs : dans une scène d’action, les phrases et les mots doivent être aussi percutants que des coups de poing. Encore plus que d’habitude, le choix du vocabulaire ou des verbes doit être précis. On évite les verbes ternes et les termes génériques, on choisit des verbes d’action, on favorise la forme active… car on veut évoquer beaucoup en peu de place, à un tempo rapide (avec la nuance apportée plus haut sur la gestion du rythme).

Lors de la nuit de l’écriture Nice Fictions du 04 juin 2016, un débat nous a tenu en haleine un moment sur l’intérêt du vocabulaire technique : doit-on user des termes d’escrime ? Des noms d’armes peu communes ? Parfois, l’auteur verse dans le péché d’orgueil en intégrant le fruit de ses travaux de recherche, au prix de la compréhension de l’action par le lecteur néophyte ; parfois, il s’agit juste d’utiliser le bon mot au bon endroit dans le bon contexte. Il n’y a pas de règle absolue, et tout dépend du style habituel de l’auteur, du genre du récit, du public visé. On ne peut que conseiller à l’auteur d’effectuer sérieusement son travail de recherche, et de faire le tri en toute conscience de l’effet que cela aura sur un public non averti.

Voilà !

Ce sont nos avis sur la rédaction de scènes d’actions… ou tout au moins le résumé, puisque cette table ronde nous aura occupé une bonne heure et demie.

😉


« Ils bataillèrent deux jours et deux nuits durant…
— Ouais, ben quand tu vois dans quel état je suis après une simple nuit blanche à écrire ! »

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