Règle Pixar [11] : Une histoire de formalisation

Putting it on paper lets you start fixing it. If it stays in your head, a perfect idea, you’ll never share it with anyone.

Mettre tes idées sur papier te permet de leur donner corps. Si elles restent dans ta tête et demeurent de parfaits concepts, tu ne les partageras jamais avec qui que ce soit.


[Que sont les règles d’or Pixar ? C’est expliqué ICI]

Si tu suis cette série sur les règles d’or Pixar, tu auras remarqué que plusieurs d’entre elles ne concernent finalement ni l’écriture, ni la dramaturgie : ce sont de simples conseils créatifs, qui valent tout aussi bien pour autre chose que l’écriture de fiction.

Cette règle N°11 pousse les auteurs à formaliser leurs idées, à les coucher sur papier d’une façon ou d’une autre, afin de les autoriser à avoir une existence. Car, pour qu’une idée puisse être travaillée (malaxée, taillée, ciselée, fusionnée), elle doit passer du statut de simple concept à celui de matériau tangible et exploitable.

Regarder l’idée de l’extérieur

Il m’est déjà arrivé de t’encourager à mener tes réflexions par écrit, souviens-toi ! Dans mon post sur les prologues, je t’incitais à lister de façon claire les éléments à transmettre à ton lecteur. Dans mes articles sur la création de personnages, je te proposais des questions à bosser sur papier. Quand nous avons décortiqué ensemble la règle Pixar N°10, c’était là encore l’un de mes conseils.

Pourquoi ? Parce que ton cerveau est très doué pour te gruger. Tant que ton idée reste un concept dans ta tête, elle est floue, et il est difficile d’y voir des imperfections. Les idées qu’on a en tête sont toujours extra ! Or, tu dois leur donner corps : cette étape change tout.

1) parce que tu vas parfois te rendre compte que tu as du mal à formaliser des éléments qui te semblaient pourtant clairs.

« Ce qui se conçoit bien s’énoncent clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément » (Boileau, L’Art poétique)

2) parce que sortir les idées de ta tête te permet de les contempler de l’extérieur, avec du recul… et bien souvent de redescendre sur terre quant à leur potentiel dramatique.

3) parce que très vite tu vas être obligé de structurer ton document. Peu en importe la forme : notes manuscrites ou informatiques, schéma d’idées reliées par des bulles, premiers brouillons de texte, tu vas devoir les organiser, les regrouper, les trier. La création, c’est mettre de l’ordre dans le chaos.

Ressources partagées

Ce conseil Pixar est à double sens :

1) c’est en premier lieu un encouragement à se lancer. Tu as une idée ? Ne la garde pas dans ta tête, sinon tu n’en feras rien et jamais personne n’en profitera.

2) c’est ensuite une « bonne pratique » de travail. Tu as une idée ? Pose-là sur la table, là, devant toi. C’est comme quand tu fais un puzzle : étale les pièces à ta disposition, mets-les dans le bon sens, même si tu sais qu’il t’en manque encore les trois-quarts.

En ce qui me concerne, c’est mon moyen à moi de réfléchir. Peut-être est-ce une disposition particulière de l’esprit à ce moment-là ? C’est en écrivant mes idées (même sous forme de simples notes, voire même SURTOUT ainsi) que je réalise si elles ont un réel potentiel ou pas. Je vais même te révéler un toc personnel : je me parle à moi-même, dans ces fichiers-là. J’y ai toujours deux couleurs, une pour les idées que je note, et une pour les remettre en question. C’est mon petit côté schizo : non seulement je note mes idées, mais aussi mes doutes ou mes interrogations à leurs sujets. Très pratique, surtout lorsque je sais que je n’aurais pas l’occasion d’exploiter cette idée avant plusieurs mois…

Cela donne des choses du genre :
exemple_pixar11

extrait d’un brainstorming personnel sur Mémoires du Grand Automne (2012)

C’est aussi une façon d’avancer : d’abord je jette mes idées en vrac sur le document, sans me brider. Puis un autre jour je change de couleur et relis mes notes en les remettant en question, en les critiquant, en les questionnant, en les annotant. Puis un troisième jour je reprends la couleur initiale et j’essaie de répondre aux interrogations soulevées en couleur. Etc. Cette sorte de ping-pong avec moi-même se poursuit jusqu’à ce que la voix « en couleur » ne trouve plus rien à redire.

Un matériau exploitable

À partir du moment où tu as commencé à mettre tes idées sur papier, elles ne sont plus intangibles. Elles sont devenues un matériau de travail, une matière première. Et bonnes nouvelles :

– C’est une ressource inépuisable. Non seulement extraire les idées de ta tête n’épuise pas ton cerveau, mais en plus c’est un peu comme un champ cultivé : il faut récolter si tu veux que d’autres idées poussent derrière.

– On n’a jamais trop de matière première. Tu n’es pas obligé de tout utiliser pour ton livre en cours, et les idées n’ont pas de date de péremption. Ton cerveau peut les oublier, mais à partir du moment où elles sont notées quelque part, tu pourras toujours les utiliser un jour (parfois des années après les avoir eues).

Alors note ! Note tes idées !

M’enfin, ce n’est que mon avis…


« Il veut dire quoi quand il parle de son « côté schizo » ?
— Aucune idée. »

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(3 commentaires)

  1. Euh attends, je lis « 4. Dépression » dans ton brainstorming personnel ?!?!?!?!?
    Promets-moi que tu as changé de point de vue depuis 2012 🙂 . Tu as bien dit que ça pouvait évoluer, hein 😉 ?

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