Règle Pixar [14] : une affaire de besoin personnel

Why must you tell this story ? What’s the belief burning within you that your story feeds off of ? That’s the heart of it.

Pourquoi dois-tu absolument raconter cette histoire ? Quelle est la conviction profonde qui alimente ton récit ? C’est ça qui lui donne son sens.


[Que sont les règles d’or Pixar ? C’est expliqué ICI]

Nous vivons une ère de divertissement. Soit. Pourtant, les histoires qui restent dans les mémoires et deviennent cultes ont une chose en commun : elles ne servent pas seulement à passer du bon temps. Elles véhiculent quelque chose ; une question, une conviction, un message. Elles comblent un besoin.

Ce conseil Pixar fait le lien avec deux autres conseils déjà passés en revue, et t’incite à regarder en toi-même pour trouver « de quoi se nourrit » l’histoire que tu es en train d’écrire. Parce que les récits sont comme les enfants : pour bien grandir, ils doivent s’alimenter correctement.

Les bonnes histoires comblent un besoin. Et nous allons voir que pour combler ce besoin, tu dois être conscient des tiens, de besoins.

Le chaînon manquant

Il y a un drôle d’écho quand on lit ce conseil N°14. Souviens-toi :
– dans le conseil N°10, Pixar t’incitait à chercher en toi-même l’ADN commun de tous tes récits.
– dans le conseil N°3, Pixar t’incitait à trouver ton thème (même s’il est parfois difficile à cerner avant la fin du premier jet).

Le conseil d’aujourd’hui fait le lien entre les deux, et te pose les questions suivantes : « cette histoire que tu es en train d’écrire, de quelle partie de toi provient-elle ? Au-delà de l’envie de la raconter, pourquoi est-ce important pour toi de lui donner vie, à celle-ci et pas une autre ? »

Pour être clair, Pixar te demande de mettre de côté ton *désir* pour t’interroger sur ton *besoin*.

Où vais-je ? Dans quel état j’ère ?

Tu te souviens de la différence entre désir et besoin ? Au fond, ce conseil Pixar, c’est à cela qu’il t’incite : distinguer ce que tu as envie d’écrire du besoin qui t’anime à l’intérieur.

Souvent, les héros de nos livres n’ont pas conscience de leurs besoins profonds. Il en va de même dans la vraie vie, pour beaucoup de gens, et les auteurs n’échappent pas à la règle. Or, tu commences à savoir comment ça marche, la dramaturgie : tu sais bien que le désir du personnage l’entraîne généralement sur un chemin différent de celui qu’il faudrait pour satisfaire son besoin.

L’idée est donc de ne pas reproduire la même erreur pour soi-même.

Un éditeur me l’a déjà affirmé en face à face, et le site Mythcreants en parle aussi dans l’article « The One Big Thing That Most Manuscripts Lack » : le problème de la plupart des manuscrits réceptionnés en maisons d’édition, c’est que l’auteur ne sait pas lui-même de quoi il est vraiment en train de parler. Il laisse s’exprimer ses désirs sans vraiment avoir conscience de ses besoins.

L’idée est donc de te prendre pour un personnage de fiction et d’aller au-delà des apparences de ton texte.

Écrire un récit personnel (blablabla…)

Je t’encourage très souvent sur ce blog à écrire des histoires qui te soient personnelles, qui soient spécifiques et non génériques. Je ne suis pas le seul, regarde, Pixar aussi. Ce n’est pas pour rien : un récit, même admirablement construit et rédigé, même irréprochable sur un plan technique, n’est qu’une coquille vide si tu n’y insères pas « une âme ». Un peu de toi. Et loin de considérer cette affirmation comme mystique ou magique ou de t’inciter à écrire avec ton sang, je pense néanmoins – avec force et conviction – que ton histoire n’aura aucune chance de « bouger » les gens si elle ne contient pas des choses « qui te bougent », toi.

C’est aussi une question de motivation : si tu abandonnes en cours de route les histoires que tu écris sans réussir à aller au bout, c’est probablement parce tu es plus gouverné(e) par tes désirs que par tes besoins. Un désir est souvent éphémère, changeant et volatile. Un besoin est solide, tu peux compter sur lui, et il te permettra d’aller au bout de ton récit.

Reste plus qu’à savoir ce qui t’anime, au fond de toi.

Post-scriptum : savoir séparer ses désirs de ses besoins est tout aussi important pour d’autres sujets de la vraie vie. Agir en fonction de ses besoins est ce qui nous rend heureux et satisfait, à coup sûr, car personne ne peut manipuler nos besoins (ils nous sont propres). Nos désirs, en revanche, sont aisément corruptibles : vérifie bien qu’ils coïncident avec tes besoins avant de les suivre aveuglément. Car c’est ainsi que des gens qui se lancent dans l’écriture parce qu’inventer des histoires les épanouit (besoin) se transforment en obsédés des ventes qui veulent plus que tout devenir riches et célèbres (désirs induits par notre culture actuelle). Et ils finissent malheureux comme les pierres, ayant arrêté d’écrire parce qu’ils ne vendent pas.

M’enfin, ce n’est que mon avis.


« Je me demande bien pourquoi on a besoin de ces conclusions ?
– On n’en a PAS besoin. Personne n’en a besoin. »

<< Retour vers le sommaire des Règles Pixar

Soutenez_sarnier_blog

(10 commentaires)

  1. Au delà de la question de la motivation, qui est en soi très importante, pourquoi selon toi un récit qui importe à son auteur est nécessairement d’un ordre de qualité supérieur à une histoire pour laquelle son auteur n’a pas cet attachement viscéral? Spontanément, je suis d’accord, mais je n’arrive pas à le formaliser.

    Aimé par 1 personne

    1. Je me permet de m’incruster ici pour proposer une réponse ^^

      Je pense que ça se sent dans les mots. Ce que tu écris qui te touche viscéralement a une certaine puissance, car tu y met tes expériences, tes sentiments, tes questions, etc, tu y met de la matière, alors que ce que tu écris qui ne te touches pas spéciamement est plus lisse, tu écris en utilisant des termes plus génériques, des tournures impersonnelles… De manière général, je trouve que ça se sent à la lecture lorsque l’auteur n’est pas réellement concerné. C’est comme lorsqu’on te donne un devoir d’invention tout pourri à l’école, sur un sujet dont tu te fiches complètement: les phrases peuvent être aussi bien tournées que possible, ça manque d’âme.
      Enfin, je suppose ^^

      Aimé par 2 personnes

    2. Je pense qu’il s’agit d’un cumul de plusieurs éléments.

      1) plus l’auteur parle de ce qui lui tient à cœur, plus le récit aura un sens (une direction), parce que – consciemment ou pas – l’auteur essaiera de véhiculer une conviction ou un message. Trop d’histoires sont juste des successions de péripéties, certes fun et divertissantes, mais superficielles car au fond « elles ne racontent rien ».
      2) plus l’auteur parle de ce qui lui tient à cœur, plus son discours est convaincant et motivant (ça se voit dans la vie de tous les jours : la passion, c’est contagieux, ça se transmet dans les paroles et dans les mots). Même techniquement imparfait, le livre va acquérir une certaine force de conviction.
      3) le plus souvent, si quelque chose touche l’auteur de près, l’auteur le connaît bien. C’est quelque chose dont il a une expérience personnelle, intime, forte dans l’intensité ou longue dans la durée. Il y a sûrement souvent pensé, longuement réfléchi. Et l’adage « écrit sur ce que tu connais » a du sens : le texte semblera plus solide et plus vrai.

      Donc voilà, je pense que savoir ce qu’on met dans un récit (et y mettre vraiment de soi), ça sert à donner une vraie direction, à être plus convaincant et à sonner plus « vrai ». M’enfin, ce n’est que mon avis 😉

      Aimé par 1 personne

  2. Faire coïncider ses desirs et ses besoins: l’étudiante en philo que je suis ne peux être plus d’accord ^^
    Toutes les histoires que j’ai terminé, et dans celles-ci celles que je préfère, parlent de quelque chose qui me touche, me boulverse, me questionne… Cette histoire de besoins, je l’ai decouvert au moment ou je me suis vraiment mis à écrire : on écrit mieux lorsqu’on se prends soi-même comme matière d’écriture (formulation bizarre, certe ^^’)
    bref, merci pour cet article ! 🙂

    Aimé par 1 personne

Répondre à Stéphane ARNIER Annuler la réponse.

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :