L’Adversaire

« Peut-on considérer que je suis ton adversaire ?
— Nous ne sommes que des voix off.
— Certes, mais des voix off qui ne sont jamais d’accord… »


Toutes les fictions ne comportent pas forcément d’adversaire, de personnage antagoniste au personnage principal du récit. Néanmoins, ce type de personnage est extrêmement fréquent, et le débat « qu’est-ce qu’un bon adversaire ? » revient souvent dans les discussions entre auteurs.

 « Antagoniste » ne signifie pas « méchant »

Partons donc de ce point de départ évident (et pourtant souvent oublié) pour bâtir un bon antagoniste : ne pas forcément l’imaginer sous les traits du méchant de l’histoire. Certes, il va s’opposer au personnage principal… mais ce dernier n’est pas forcément « le gentil ». Si tu souhaites faire de ton livre un récit un peu adulte, il faut sortir du clivage gentil/méchant des histoires pour enfants. Attention : l’adversaire PEUT tout à fait être un vrai salopard, mais mieux vaut que ce trait de caractérisation ait une raison d’être différente du « ah ben pas le choix, c’est l’ennemi du héros ».

Le miroir du protagoniste

Une confusion courante alimente une idée reçue dangereuse : sous prétexte que l’antagoniste s’oppose au protagoniste, l’auteur s’imagine parfois que l’adversaire doit être l’opposé du héros, son « négatif », son contraire. Il n’y a rien de plus faux : un bon adversaire est le plus souvent un personnage extrêmement similaire au héros. L’une des clefs est donc :
— de créer l’adversaire en partant du héros, en prenant ce dernier pour base ;
— de leur faire partager de nombreuses caractéristiques, en particulier en tissant de nombreux liens entre eux.

Ce n’est pas pour rien si, dans de nombreuses histoires, la connexion entre héros et adversaire est si forte : de la même famille, amis d’enfance, partenaire amoureux ou de travail… certains récits de SF poussent même la notion à son paroxysme en faisant de l’adversaire un véritable double du héros (frère jumeau, clone, double temporel, etc.). De StarWars à Heat, de Là-Haut à Looper, une partie capitale du travail de l’auteur consiste à tisser le parallèle entre les deux personnages du héros et de l’adversaire, non pas pour les opposer, mais au contraire pour souligner à quel point ils sont semblables. Ce qui les rapproche mettra d’autant plus en relief leurs divergences.

L’adversaire nécessaire

Si tu écris une histoire en développant un thème, en passant un message, tu as construit ton protagoniste en fonction de ce dernier, en particulier en lui choisissant une faiblesse « thématique ». L’adversaire nécessaire, c’est celui qui sera le plus à même d’influer sur ce point faible, celui qui connaît la blessure du héros et pourra le mieux « appuyer là où ça fait mal » ; ou bien, c’est l’adversaire qui a le même point faible que le héros, permettant à ce dernier de réaliser, comprendre et vaincre sa propre faiblesse quand l’antagoniste, lui, échouera.

Exemple : Là-haut, de Pixar. Le protagoniste et l’antagoniste ont la même faiblesse (chacun d’eux fait des efforts insensés pour accomplir un rêve si ancien et obsolète qu’il n’a plus aucun sens, au lieu de vivre leur vie actuelle). C’est en affrontant l’adversaire que le héros va comprendre qu’il doit changer pour ne pas finir comme lui.

J’appelle cela le « triptyque héros-adversaire-thème ». L’assemblage des trois doit représenter un package, un tout. Certains récits échouent pour cette seule cause : le bon adversaire, c’est celui qui est conçu sur mesure pour le héros et qui formera avec lui un duo indissociable, comme Sherlock Holmes et Moriarty, Luke Skywalker et Dark Vador, Batman et le Joker… Bref, le bon antagoniste pour ton histoire, c’est celui que tu ne pourrais pas utiliser pour un autre récit.

La compétence de l’adversaire

L’adversaire est l’un des obstacles (sans doute le plus important) que devra surmonter le protagoniste. Ainsi, un bon adversaire devrait respecter les règles des bons obstacles :

— être un « vrai » obstacle : l’adversaire doit être vraiment dangereux pour le protagoniste, et donc être compétent dans son domaine (quoi que cela veuille dire pour ton histoire) ; sans cela, tu n’arriveras pas à créer de la tension.
— être vaincu par le héros seul : ce dernier peut recevoir un peu d’aide, mais si tu ne veux pas que l’adversaire passe pour un « faux obstacle », c’est bien ton protagoniste qui doit en venir à bout à la fin.

***

Pour résumer, quand tu conçois un adversaire  :
— façonne-le en fonction de ton personnage principal et dresse un parallèle clair entre eux. Cherche ce qui les rapproche, leurs points communs, leurs liens ;
— façonne-le en fonction de ton thème, afin de le rendre spécifique et indispensable à ton histoire. Fais-en un antagoniste qui ne fonctionnerait pas dans un autre récit ;
— façonne-le comme un obstacle, en le rendant vraiment compétent et dangereux dans son domaine. Sans cela, il ne pourra pas faire son travail et créer de la tension.

Ces trois pistes, simples, sont d’excellents points de départ.

M’enfin, ce n’est que mon avis.
🙂


« On se ressemble beaucoup, on est indissociables : on doit être adversaires.
— Nous ne sommes que des voix off.
— M’en fous : si on était des personnages, je suis sûr qu’on serait adversaires… »

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