Créer un duo de protagonistes

Beaucoup d’histoires figurent un unique protagoniste majeur, même si plusieurs alliés le rejoignent et l’aident pendant sa quête. Parfois, le récit est choral, avec de multiples protagonistes importants qui disposent chacun de leur propre arc narratif. Mais ce n’est pas ce dont il est question ici : comment créer une histoire ayant comme protagoniste une paire de personnages ? Comment faire pour que ce soit ce duo qui semble être le héros, sans qu’un des personnages joue le faire-valoir de l’autre ? Réflexions.

Rapide autopromotion : mon roman La Brume l’emportera est paru le 21 février, et toutes les critiques du livre (que vous pouvez retrouver ici) louent le duo de personnages formé par Keb et Maramazoe. C’est ce qui m’a donné l’envie d’écrire cet article. Fin de l’autopromotion.

Avant de commencer

En introduction de cet article, mentionnons que les duos de personnages sont plus fréquents et populaires dans les médias visuels (cinéma, séries, TV) que dans les médias écrits. La raison en est très simple : les médias visuels n’ont pas la capacité d’entrer dans la tête des personnages, et un héros solitaire – qui n’a personne à qui parler – peut être une plaie pour un scénariste ou un réalisateur. Que le protagoniste ait toujours quelqu’un avec qui échanger permet à l’acteur d’extérioriser les émotions du personnage, et ce même si ce « quelqu’un » n’est qu’un chien, un animal mignon (comme dans les films d’animation) ou un ami imaginaire (comme le ballon de volley-ball Wilson pour le personnage de Tom Hanks dans Seul au monde). C’est pour cela qu’un protagoniste de film ou de série TV est rarement seul à l’écran.

Un média écrit, en revanche, n’a pas besoin de pareil artifice. Il est tout à fait possible d’écrire des chapitres entiers où un personnage, seul avec lui-même, ne parle à personne. À l’écrit, on peut montrer à quoi il pense et ce qu’il ressent. Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant qu’on ne devrait pas créer de duos pour nos romans : un duo, ce n’est pas seulement un artifice de narration, c’est aussi une dynamique intéressante à explorer, en particulier quand on sort du schéma héros + sidekick (où le sidekick n’est qu’un faire-valoir du protagoniste principal).

Questions pour duo équilibré

La question est donc : comment faire pour créer un duo au sein duquel chaque personnage aura sa place ? Comment faire pour créer deux personnages qui vont se compléter et agir ensemble, donnant l’impression que le véritable héros de l’histoire est la paire ainsi formée ? Propositions d’étapes de réflexions.

Étape 1 : quel type de relation ?

Si on crée un duo de personnages, leur relation sera au cœur de la dynamique du récit, et il est donc important de déterminer de quel type de relation il s’agit. Plusieurs possibilités s’offrent à l’auteur :

  • La romance, bien sûr, est une excellente opportunité de créer un duo fort où chaque membre aura sa place.
  • L’amitié est aussi un sentiment fort, plus qu’on ne le croit, et qui parle à beaucoup de gens. C’est aussi une relation très polyvalente, car c’est un sentiment qui peut naître entre deux personnes très différentes.
  • La famille.
  • La relation maître-élève (de manière classique, l’un des membres du duo est d’abord supérieur à l’autre dans un domaine précis, puis les rapports de force s’équilibrent voire s’inversent).
  • Les partenaires de travail (combien existe-t-il de duos de flics peuplant nos imaginaires ?) 

Il est possible d’ajouter à cette liste le célèbre « héros + sidekick », comme Batman et Robin ou Sherlock et Watson, mais c’est se créer dès le départ un gros handicap si on souhaite créer un duo au sein duquel chacun a un rôle majeur à tenir – car par définition, le sidekick est censé être moins important que le héros et servir justement de faire-valoir. Ce n’est pourtant pas impossible de créer un bon duo sur cette base, si on est rigoureux sur les points suivants (certaines revisites modernes de Sherlock et Watson donnent plus d’importance à Watson que ne le fait Sir Arthur Conan Doyle).

À noter que les possibilités peuvent se combiner : les partenaires de travail peuvent avoir une dynamique de mentor-disciple, tout en vivant une histoire d’amitié ou d’amour. Cela peut être intéressant dans le cadre d’une très longue histoire (série en plusieurs tomes) afin d’avoir de la matière à travailler, mais une seule catégorie suffit pour un tome unique, au risque de ne pas avoir le temps de la travailler correctement.

Il est aussi utile de se demander si cette relation existe dès le départ, ou si c’est une relation en devenir. Les deux sont possibles, mais cela influe fortement sur l’histoire qu’on va raconter.

  • Les deux personnages peuvent déjà être amis, ou en couple, ou partenaires de travail. Dans ce cas, l’histoire qu’ils vont vivre ensemble va peut-être peser (un peu ou beaucoup) sur leur relation, mais elle peut aussi tout à fait être externe à cette relation.
  • Les deux personnages peuvent aussi ne pas se connaître du tout au début du récit, ou bien se connaître sans avoir la relation qu’on leur prévoit : pas encore amis, pas encore en couple, pas encore partenaires, etc. Dans ce cas, la formation de la relation est forcément une partie de l’histoire.

C’est souvent l’option 2 qui est utilisée par défaut par les auteurs, mais il faut juste se rappeler que ce n’est pas une obligation. Cela peut d’ailleurs influer sur le genre même du roman :

  • Si les personnages ne sont pas ensemble au départ, mais que l’auteur prévoit qu’ils tombent amoureux, il va y avoir de la romance.
  • Si les personnages forment déjà un couple au début de l’histoire, il est peu probable que les lecteurs qualifient le récit de romance, même si l’histoire pèse sur cette relation.

De même, il peut être amusant de montrer les débuts de deux nouveaux partenaires de travail, mais il est tout aussi gratifiant et plaisant de voir interagir deux partenaires de longue date qui se connaissent par cœur – ça aussi, ça fait un bon duo, et ça permet de rentrer plus vite dans l’histoire sans avoir à « former » ledit duo (voir l’exemple Wax et Wayne présenté en fin d’article).

Dans un cas comme dans l’autre, un élément capital est ce qu’on appelle « la promesse au lecteur », c’est-à-dire qu’il est important pour l’auteur de faire comprendre au lecteur (dès les premiers chapitres) quel type de relation il a choisi pour le duo. Il est très important de ne pas se tromper là-dessus, et de ne pas promettre une romance si les deux personnages ne finissent pas ensemble, par exemple (les attentes non comblées génèrent presque toujours de la déception).

Étape 2 : quels arcs pour chaque personnage ?

Si chaque membre du duo est censé être un personnage majeur et un véritable protagoniste du récit, il est probable que chacun va vivre un arc narratif, généralement lié à une faiblesse psychologique ou morale personnelle qu’il devra affronter. La question est donc : quel arc pour chaque personnage ? Il est important que chacun en ait un, sinon celui qui en vit un passera aux yeux du lecteur comme plus intéressant que celui qui n’en vit pas.

Si on souhaite que la notion de duo soit importante, il est aussi utile de se demander quel rôle joue chaque personnage dans l’arc de son binôme. De nombreuses possibilités existent, mais pour résumer, un personnage peut être pour l’autre :

  • Un motif de tension, car il « appuie là où ça fait mal » par rapport à la problématique de son arc. C’est par exemple le cas des duos bâtis sur des oppositions : le jeune flic chien fou qui a des problèmes avec l’autorité et le respect des méthodes VS le vieux flic blasé proche de la retraite qui respecte les procédures. Le but est alors d’imaginer en quoi l’attitude d’un personnage va créer des problèmes à l’autre et le pousser dans ses retranchements.
  • Un motif de soulagement, car il représente un soutien et une aide, parce qu’il compense la faiblesse de l’autre, ou parce qu’il sait le comprendre et l’encourager. Le but est alors d’imaginer en quoi l’attitude d’un personnage va permettre à l’autre de résister à ses problèmes ou d’apprendre à les surmonter.

Ces choix ne sont pas exclusifs, et cela fonctionne même particulièrement bien quand les personnages sont les deux à la fois l’un pour l’autre : à la fois source de problème, et à la fois source de solutions (par rapport à leurs arcs narratifs personnels respectifs). Il est rare qu’un duo fonctionne bien si chacun n’a pour rôle que de créer de la tension dans l’arc narratif de l’autre, mais c’est possible si les personnages trouvent ailleurs les réponses à leurs problèmes – ce qui peut sauver leur relation. Il est tout à fait possible qu’un duo fonctionne bien si chacun n’a pour rôle que de créer de l’aide et du soulagement chez l’autre : croire qu’il est obligatoire de créer de la tension dans le duo est un cliché, et ce n’est pas nécessaire tant qu’il y a déjà une adversité importante en dehors du duo. Avec de forts obstacles externes, cela peut même être très réconfortant pour le lecteur de savoir que les deux personnages peuvent toujours compter l’un sur l’autre quoi qu’il arrive. En revanche, si les personnages n’ont aucun rôle dans l’arc narratif de l’autre, cela retire beaucoup d’intérêt à la notion même de duo.

Étape 3 : quelle histoire (au singulier) pour les personnages ?

Une bonne formule à mémoriser pour qualifier un duo est : DEUX personnages qui vivent ensemble UNE histoire ; DEUX arcs narratifs, mais liés à UNE intrigue ; DEUX fils qui s’enroulent et se tissent pour former UNE corde. La question est donc : quelle histoire (enjeu externe unique) va permettre de déployer les deux arcs narratifs qui feront évoluer chaque membre du duo ?

Lors de cette étape, il vaut mieux commencer à se demander comment chacun des membres du duo va contribuer à faire avancer ladite histoire. Si on souhaite que chaque personnage ait son importance et trouve sa place, il est nécessaire de trouver des idées qui vont permettre à chacun de briller. Il faut donc s’assurer que les DEUX personnages ont des capacités et compétences nécessaires à faire avancer l’intrigue, et qu’il n’y en ait pas un qui en ait plus que l’autre. S’ils ont chacun des points forts et des défauts, il faut veiller à ce que l’histoire propose différentes formes de défis qui solliciteront tantôt les qualités de l’un, tantôt celles de l’autre ; ou que les obstacles pèseront sur les points faibles de l’un ou de l’autre. Enfin, si on souhaite qu’ils vivent l’histoire ensemble, il faut concevoir l’histoire de façon à ce que les personnages soient effectivement ensemble la plupart du temps (au risque sinon d’avoir deux fils d’intrigue et non un seul).

Étape 4 : pourquoi font-ils ça ensemble ?

Pourquoi ce duo, au final ? Si on souhaite que le duo paraisse « organique » et non pas artificiel, il est important de justifier clairement pourquoi les personnages vont vivre cette histoire ensemble jusqu’au bout. Souvent, il n’est pas bien difficile de trouver une raison pour les rassembler en début d’histoire… mais si on ne prend pas garde à ce sujet, on se demande après un moment pourquoi ils continuent de rester ensemble alors que plus rien ne les y oblige.

Étape 5 : faire en sorte qu’on les aime tous les deux

Puisqu’ils sont destinés à être les protagonistes majeurs de l’histoire, il est indispensable que le lecteur les aime, et qu’il les aime tous les deux. Je renvoie ici à cet article capital Faire aimer ses personnages : on aime les personnages attachants, on aime les personnages compétents, on aime les personnages loyaux, et on aime les personnages méritants (notion de karma des personnages).

Étape 6 : équilibrer la narration

Lorsque – après tous ces préparatifs –, on se met enfin à écrire, il est utile de garder en tête le besoin d’équilibre entre les deux membres du duo :

  • Équilibre dans les émotions (si un personnage vit des choses très émotionnelles et l’autre pas, ils ne vont pas paraître sur un pied d’égalité)
  • Équilibre dans les mises en avant (l’un doit alors savoir s’effacer quand c’est à l’autre de briller)
  • Équilibre dans les contributions aux diverses scènes (dialogue, action, réussites/échecs)

Choix de la narration

Et oui : quel que soit le sujet, on finit toujours par retomber sur cette question-là, parce que mettre en scène ce duo dépend aussi forcément de la narration qu’on aura choisie pour écrire.

  • Utiliser un narrateur omniscient permet de rester extérieur aux deux personnages tout en les ayant toujours ensemble « dans le cadre », si on peut dire. La narration peut ainsi régulièrement raconter ce que ressentent les deux membres du duo et passer aisément de l’un à l’autre, même s’ils sont parfois séparés.
  • Utiliser une narration focalisée permet plus d’immersion, mais il est alors préférable 1) d’alterner les focalisations d’un chapitre à un autre pour équilibrer les points de vue, et 2) de ne pas utiliser d’autres points de vue. À noter que, quels que soient les efforts de l’auteur, le premier point de vue utilisé (premier chapitre) a forcément plus d’importance aux yeux du lecteur, qui a tendance à le considérer comme le héros principal. Malgré ça, cette narration est sans doute le meilleur choix pour un duo si l’intrigue sépare souvent (géographiquement) les deux personnages, car cela permet au lecteur de les considérer comme les deux héros du récit.
  • Utiliser une narration à la première personne donne forcément plus d’importance à un personnage qu’à l’autre, risquant d’affaiblir la notion de duo. Une solution peut alors être de rendre le second personnage (celui qui ne raconte pas) un peu plus central dans le récit, pour compenser. Citons de nouveau le duo Sherlock & Watson, où Watson est le narrateur, mais où Sherlock est le « héros » (sans doute un peu trop par rapport à Watson pour que le duo paraisse équilibré au lecteur, mais l’idée est là). Un autre problème de cette narration est qu’elle ne facilite pas la séparation des personnages, et qu’elle fonctionne donc mieux s’ils ne se quittent presque jamais.

Note : même si cette narration pose certains problèmes pour un duo, c’est pourtant ce choix que j’ai fait pour La Brume l’emportera. Keb est le narrateur unique de ce récit, ainsi que le protagoniste principal (dans le sens où c’est lui qui change le plus dans le récit). Pour compenser, j’ai fait de Maramazoe une héroïne, un personnage plus charismatique que Keb, une sorte de catalyseur qui entre dans la vie de Keb pour l’obliger à changer. En glorifiant un peu plus Maramazoe, cela compense l’importance que Keb acquiert auprès du lecteur du fait de sa position de conteur. Une astuce scénaristique (que je vous laisse découvrir) fait qu’ils ne se séparent presque jamais l’un de l’autre de plus de dix pas : cela renforce leur proximité et permet à Maramazoe d’être omniprésente dans les mots de Keb.

Un exemple de duo

En fantasy, le premier exemple qui me vient est celui de la série Wax et Wayne de Brandon Sanderson (qui est une série de romans spin-off à sa saga Fils-des-Brumes).

Déjà, le duo est annoncé dès le titre : c’est l’histoire de Wax et Wayne, deux sortes de cow-boys dans un univers fantasy qui vit les débuts de sa révolution industrielle (ce qui rapproche l’ambiance d’un Far West). Sanderson n’a jamais caché que le duo est très fortement inspiré des personnages de la série télé Les Mystères de l’Ouest, James T. West et Artemus Gordon.

J’adore ce duo, même s’il faut avouer qu’en plus d’être partenaires de travail et amis, Wax et Wayne ont un côté « héros + sidekick » qui rend Wayne moins important que Wax (il lui sert un peu de faire-valoir). C’est le seul défaut de cette paire, car Sanderson réussit à en faire deux personnalités très différentes qui ont un fort lien d’amitié très touchant (et qui existe déjà au début de l’histoire). De plus, Wayne est indispensable au duo : il n’est pas un vulgaire sidekick, mais un atout énorme dans ces récits d’enquête, grâce à ses talents de déguisements et d’imitation. Puisqu’il existe de nombreux pouvoirs surnaturels dans cet univers fantasy, cela permet aussi à Sanderson de différencier les deux héros avec des capacités très différentes (chacun connaissant par cœur celles de l’autre, ce qui donne des scènes d’action détonantes). La narration est en 3ème personne focalisée, et alterne entre les deux points de vue d’un chapitre à l’autre : idéal pour l’immersion, surtout que Wayne en particulier est une personnalité très à part, excentrique, avec une vision du monde unique (ce qui aide à contrebalancer le côté « héros classique » de Wax). Ainsi, même si Wax est un petit peu trop en avant par rapport à Wayne à mon goût, c’est un super duo à mes yeux.

Et vous, quels sont vos duos de romans préférés ?

***

Réfléchir à monter un véritable duo pour une histoire est rafraîchissant, car cela nous fait sortir des schémas habituels « héros + personnages secondaires », ou bien des « groupes de héros » qu’on retrouve régulièrement en fantasy. C’est une façon de faire à part, où le principal risque est d’oublier qu’on forge un duo, et où le principal effort concerne l’équilibre à trouver entre les deux personnages pour que la paire fonctionne. Néanmoins, quand c’est réussi, cela crée des dynamiques super intéressantes qui plaisent beaucoup au public – je crois qu’au fond de nous, nous avons tous une faiblesse particulière pour ce principe de deux personnes qui se connaissent, s’apprécient et se complètent parfaitement.

M’enfin, ce n’est que mon avis…


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(2 commentaires)

  1. Cet article tombe à pique et se révèle très complet en plus ! Je suis en plein travail préparatoire d’une histoire à deux personnages. J’ai été rassurée quant à votre point de vue sur la narration à la première personne au personnage le « moins » important. Car c’est ce que je compte mettre en place. En terme de duo indissociable, me vient tout de suite l’exemple du sergent Chesterfield et du caporal Blutch des « Tuniques Bleues » qui m’ont longtemps fait bien rire !

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    1. C’est une question d’équilibre : mieux vaut quand même que le narrateur soit important dans l’histoire et qu’il ne soit pas juste « celui qui raconte », mais glorifier un peu plus l’autre personnage fonctionne généralement pas mal. De plus, que le texte n’adopte jamais son point de vue permet justement d’aider à le rendre plus mystérieux ou génial ou fascinant. Sherlock Holmes ne nous paraîtrait pas si extraordinaire si on était dans sa tête ou s’il racontait lui-même. Le mot d’ordre est : équilibre. Bonne écriture !
      (Oh oui, j’ai lu beaucoup de Tuniques Bleues quand j’étais gamin ! Bel exemple, qui dans l’esprit n’est pas si éloigné de celui de Wax et Wayne que je cite)

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