Écrire au présent

Le temps de la narration fait l’objet de questions récurrentes sur les réseaux. En français, le temps du récit le plus conventionnel est le passé, mais on voit fleurir de plus en plus de textes au présent. Quels effets apporte l’utilisation du présent en littérature ? Eh bien, comme dans presque toutes les questions qui touchent à l’écriture, la seule vraie bonne réponse est : « cela dépend de la narration utilisée ».

Note de service : Cet article est une réécriture d’un article déjà publié mais un peu ancien et qui nécessitait quelques compléments et reformulations.

Un récit rédigé au présent…

… à la première personne

« À mon réveil, l’autre côté du lit est tout froid. Je tâtonne, je cherche la chaleur de Prim, mais je n’attrape que la grosse toile du matelas. Elle a dû faire un mauvais rêve et grimper dans le lit de maman. Normal : c’est le jour de la Moisson.
Je me redresse sur un coude. Il y a suffisamment de lumière dans la chambre à coucher pour que je les voie. Ma petite sœur Prim, pelotonnée contre ma mère, leurs joues collées l’une à l’autre.
»

Hunger Games (Suzanne Collins)

Il n’y a sans doute pas plus grand décalage entre deux narrations qu’un changement de temps à la 1ère personne : écrire à la 1ère personne au présent est radicalement différent que d’écrire à la 1ère personne au passé. La raison est que, dans le cas précis de la 1ère personne, le présent modifie le paradigme complet du récit et crée une narration qui dispose d’avantages et inconvénients qui sont quasiment opposés à ceux du même récit au passé. Pour mieux l’expliciter, revenons sur les caractéristiques de la 1ère personne au passé :

  • Au passé, la 1ère personne est une narration « a posteriori », avec un personnage qui nous raconte son histoire après les événements (les anglo-saxons disent « retelling »).
  • Au passé, la 1ère personne crée une complicité entre le personnage-narrateur et le lecteur, puisque le premier raconte son histoire au second. Il a conscience de son auditoire, a généralement une bonne raison de prendre la parole, et peut facilement utiliser les avantages d’un conteur.
  • Au passé, la 1ère personne donne une impression de réel via son format de témoignage et de confession. Certains lecteurs pensent parfois que des narrateurs de fictions ont vraiment existé, et en littérature de l’imaginaire cela permet de rendre un cadre fictif plus tangible.
  • Au passé, la 1ère personne approfondit un personnage via son regard sur lui-même et ses actions passées, ce qui étoffe son caractère et souligne son évolution dans la durée.

Or, lorsqu’un récit est à la 1ère personne au présent, ces divers points forts disparaissent :

  • Au présent, la 1ère personne est une narration « sur le vif », où le texte nous donne l’impression d’être dans la tête du personnage en direct.
  • Au présent, la 1ère personne fait disparaître le narrateur, puisque même si le texte utilise le « je », le personnage ne s’adresse en fait à personne, sinon à lui-même. Il parle tout seul, l’objectif étant de donner l’impression au lecteur qu’il lit ses pensées.
  • Au présent, la 1ère personne gomme l’impression de témoignage réel en échange d’une narration de l’instant dont le côté « télépathique » renvoie à la fiction.
  • Au présent, la 1ère personne n’apporte pas de recul sur le personnage, puisqu’on voit les événements se dérouler en direct et le personnage y réagir « à chaud ».

Ainsi, on est en droit de se demander pourquoi choisir le présent si on écrit à la première personne, puisqu’il annihile les points forts dont on dispose à la 1ère personne au passé. La réponse est simple : parce que cela crée une toute autre narration avec d’autres ressentis ; un tout autre outil pour un tout autre usage.

De façon peu intuitive, la 1ère personne au présent se rapproche dans l’esprit d’une narration focalisée au passé, qui a elle aussi l’objectif de nous faire vivre un récit « sur le vif » en direct depuis la tête du personnage. On en retrouve la qualité première qui est l’immersion totale dans les pensées et les perceptions du personnage. S’y ajoutent un renfort de personnalité (grâce au « je ») et d’immédiateté (grâce au présent). Mais attention, ça ne fonctionne pas avec tous les lecteurs ! Comme le temps du récit le plus conventionnel est le passé et que nous y sommes plus habitués, un récit à la 1ère personne au présent donne à beaucoup de lecteurs un effet étrange, désincarné. Personne dans la vraie vie ne pense à ses propres actions de la sorte (« je marche dans la rue, j’ouvre la porte »), et cela donne l’impression que le personnage se regarde agir de l’extérieur comme un patient sous hypnose. En bref : pour beaucoup de lecteur, cela crée de la distance narrative là où l’auteur cherche à créer l’immersion.

À ce titre, citons une fois de plus l’exemple du premier tome de La Passe-miroirs de Christelle Dabos. Le roman est en grande partie rédigé à la troisième personne focalisée au passé. Néanmoins il contient aussi quelques chapitres entiers rédigés à la première personne et au présent. Dans ces chapitres, Christelle Dabos joue justement avec cette drôle de sensation et d’effet que donne le présent : un personnage explore ses propres souvenirs et revit des scènes de son passé. Le personnage « se regarde agir » dans des scènes depuis longtemps terminées. L’effet de rendu est celui que mentionné plus haut : le personnage se parle à lui-même dans une sorte d’analyse clinique des événements remémorés, comme s’il était sous hypnose. Tout cela nous semble bien lointain. Et ironiquement, Christelle Dabos utilise cette narration au présent pour raconter les événements les plus anciens de son récit… et lorsqu’elle revient à son personnage principal et à son histoire en cours, elle reprend sa narration au passé.

Cette narration alliant 1ère personne + présent a le vent en poupe dans la littérature moderne du thriller (grâce à son côté intense et haletant) et du young adult (parce que les jeunes générations sont moins dérangées par l’emploi du présent en narration). Il faut juste avoir conscience des énormes différences qui distinguent 1ère personne au passé et 1ère personne au présent : on ne peut pas passer de l’une à l’autre simplement en modifiant la conjugaison des verbes, car le changement de temps change aussi le paradigme narrateur/destinataire. Ce sont deux narrations qui n’ont rien à voir. De plus, si un auteur vise l’immersion et qu’il souhaite faire disparaître toute distance narrative, il est probable qu’utiliser la troisième personne focalisée au passé soit à la fois plus simple à mettre en œuvre et plus efficace sur le lecteur (car plus conventionnel et habituel, donc transparent).

… à la troisième personne focalisée

« Dans un rugissement de moteur, le véhicule de police fait une embardée et évite le livreur à vélo. Il grimpe sur le trottoir. Nisus, la trentaine aussi fraîche que son insigne de lieutenant, est secoué dans tous les sens. Il lutte pour verrouiller sa ceinture de sécurité, mais Arezki, au volant, ne lui fait pas de cadeau. Le capitaine de police fonce sur les lieux du crime, sirènes hurlantes, ses mains plantées dans sa niaque. »

Héritiers (Michael Roch)

De façon plus surprenante, cette narration-ci est plus rare que la précédente, alors que le changement de temps passé/présent ne crée ici aucun grand écart. Si on relit l’article consacré aux avantages de la narration focalisée au passé, on constate que le fait d’écrire au présent ne lui en enlève aucun. La principale raison pour laquelle les auteurs utilisent peu le présent est donc simplement son manque de naturel : nous sommes si habitués à lire des récits à la troisième personne au passé que le présent gêne une grande partie des lecteurs.

Une autre raison est que le présent augmente drastiquement l’impact et l’intensité de ce qui se passe, de la même façon qu’un effet bullet time au cinéma (j’y reviens un peu plus loin dans cet article). C’est un choix très intéressant sur des formats réduits, par exemple pour certains chapitres d’un livre (comme un prologue, un interlude, un épilogue), pour un passage donné, pour une nouvelle, ou encore pour une série-feuilleton publiée par épisodes (voir l’exemple ci-dessus). Dans la série Héritiers de Michael Roch, l’usage du présent apporte un sentiment d’urgence qui fonctionne très bien dans ce type de thriller. Néanmoins, ce rythme haletant peut vite devenir too much pour un roman, et sur de longs formats la pression et l’immédiateté du présent risquent de se révéler usants et étouffants.

… à la troisième personne en narrateur omniscient

« C’est une fille qui a la petite vingtaine et dont la seule excentricité est la chevelure, longue et peroxydée jusqu’à être blanche. Elle a le corps de quelqu’un qui ne passe pas beaucoup de temps à s’allonger sur son canapé. […]
Celui qui partage son lit est un type athlétique, du genre viril, mais qui prend quand même soin de ses cheveux… Sa peau est couleur d’ambre brûlé : elle offrirait un joli contraste avec le corps pâle de la fille si les deux endormis étaient en contact l’un avec l’autre, mais ils se sont couchés en se tournant le dos, comme s’ils avaient préféré ne pas croiser leurs regards au réveil. »

Révolution dans le Monde Hurlant (Julien Hirt)

Sur le fond, écrire au présent ne pose pas de problème technique majeur dans le cadre d’un narrateur omniscient, puisque par définition celui-ci fait ce qu’il veut et peut raconter son histoire comme il l’entend. Néanmoins, comme pour la narration focalisée, on en trouve finalement assez peu. Les auteurs privilégient les récits au passé parce que c’est l’habitude des lecteurs et que c’est donc le plus naturel. Le présent est généralement réservé à des nouvelles, ou à des passages dédiés à l’intérieur d’un roman pour un rendu spécifique. C’est même plus aisé à mettre en œuvre avec un narrateur omniscient qu’en focalisé, puisque l’omniscient peut plus facilement alterner et changer de types de narration au court d’un même récit. C’est le cas du roman de Julien Hirt cité ci-dessus : seuls certains chapitres du roman utilisent cette narration au présent, quand d’autres sont rédigés à la première personne au passé, ou d’autres encore à la troisième personne focalisée.

***

On dit souvent que le présent donne un effet « cinématographique » et c’est bel et bien le cas. Ainsi, influencés par le cinéma et les séries, nous pourrions être tentés de privilégier systématiquement le présent en écriture. Néanmoins, même si on loue son immédiateté, le présent n’accélère pas le temps de l’action. En rendant le texte plus intense, il augmente au contraire le focus sur ce qui se passe, ce qui a à peu près le même effet sur le lecteur qu’un ralenti ou un zoom dans un médium visuel : ce qui se passe acquiert une importance capitale. C’est à la fois un avantage et un inconvénient : c’est un effet très intéressant dans certains cas particuliers (texte court, passage spécifique dans un roman) ; mais dans un récit long, cela peut vite devenir étouffant et perdre de son impact : si tout est souligné comme important, à force plus rien ne l’est.

Ceci étant dit, il existe encore une autre option pour exploiter les avantages du présent dans un texte à la 1ère personne : l’emploi d’un cadre narratif particulier.

Le présent de narration

Le présent de narration (ou présent historique) est l’emploi du présent dans un texte relatant des événements qui – du point de vue du narrateur – sont passés. C’est quelque chose que nous faisons tous, au quotidien, lorsque nous échangeons des anecdotes avec nos proches.

Exemple : Hier soir, après dîner, je sors le chien. Je marche dans la rue, tranquille, quand soudain qui je vois débarquer ? Fred. Il s’avance vers moi avec un grand sourire, comme si de rien n’était. « Hey, salut !  qu’il me fait. Toujours fâchée ? »

Dans ce type de narration, les verbes sont bel et bien conjugués au présent, mais il n’y a aucun doute possible pour le lecteur : les faits appartiennent bien au passé.

« À l’époque, je suis encore jeune ; je porte les cheveux longs, mon visage est glabre, mon corps possède la vigueur flexible du baliveau. Et pourtant, je me crois déjà vieux. Je suis plein de la sottise ombrageuse des coquelets : parce que j’ai parcouru le monde, parce que j’ai tué, parce que j’ai connu la morsure du fer, je me considère d’ores et déjà comme un héros. Au vrai, je suis d’une bêtise à pleurer. »

Rois du monde (Jean-Philippe Jaworski)

Dans le roman cité ci-dessus, le tout premier chapitre expose de façon limpide au lecteur que le personnage-narrateur, aujourd’hui âgé, va nous conter son histoire depuis sa tendre jeunesse jusqu’à aujourd’hui. Si le texte a régulièrement recours au présent, il n’y a jamais aucun doute dans la tête du lecteur : il s’agit bien d’événements passés.

Le grand intérêt d’utiliser un cadre narratif où un personnage-narrateur raconte son histoire a posteriori au présent de narration, c’est que cela permet de préserver les avantages du récit à la première personne au passé. Sont ainsi conservés intacts la complicité avec le lecteur, l’aspect de témoignage réel, ainsi que le recul du personnage sur lui-même (« Au vrai, je suis d’une bêtise à pleurer« ). À cela s’associent les avantages du présent, à savoir sa force d’impact et un effet de discours oral (c’est justement ce dernier qui renforce la sensation de témoignage et rend une impression de réel). Citons un autre exemple d’une autre styliste française, Catherine Dufour :

« Mais il n’a pas non plus l’habitude de nier l’évidence : ce soir-là, devant les lumières de ha rebin, une main brûlante posée sur la vitre glacée, il sent des choses sombres bouger dans sa poitrine et beaucoup de force en-allée. Pour avoir vécu les mêmes angoisses que lui, j’ai l’impression de suivre parfaitement le fil de sa pensée qui s’affole et fait des nœuds. »

Le goût de l’immortalité (Catherine Dufour)

Il est néanmoins à noter que, du fait même de sa nature, le présent de narration s’associe naturellement avec l’usage du passé : dans les romans cités ci-dessus, tous les verbes ne sont pas conjugués au présent, et le texte joue avec les temporalités. C’est finalement un grand avantage, car le présent n’est alors utilisé que ponctuellement pour tirer parti de ses bénéfices là où l’auteur en a le plus besoin.

Pour conclure

Choisir sa narration (première personne, troisième focalisée, narrateur omniscient) et son temps (présent, passé) n’est pas quelque chose qu’un auteur devrait faire à la légère ou au hasard. Les effets et rendus ne sont pas les mêmes et devraient découler d’une réflexion sur la nature du texte et ses objectifs. Il existe diverses façons d’utiliser le présent, selon les circonstances et les projets. Il faut juste avoir conscience du résultat qu’il procure selon les cas et l’utiliser en connaissance de cause. À noter enfin que, si écrire au présent peut sembler « plus simple » sur le papier en termes de conjugaison, c’est une idée reçue qui se révèle fausse dans les faits : la concordance des temps ou la gestion des incises peut vite devenir un petit casse-tête au présent !

M’enfin, ce n’est que mon avis (ou presque).

« L’écriture est vivante si elle est vivante.
Un changement de temps ne fera pas ça pour vous. »
Philip Hensher

(12 commentaires)

  1. Merci pour cet article ! C’est une analyse intéressante du rapport entre type de narration et temps du récit. Les pistes de combinaisons de ces éléments soulignent la richesse des instruments à notre dispostion pour l’écriture.

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  2. PS : les combinaisons de temps (p.ex. passé / présent) ne sont pas aussi flexibles dans toutes les langues que dans le français. P.ex., les écrivains néerlandophones qui lisent mes textes (en français) sont souvent désarçonnés par les changements de temps à l’intérieur d’une scène. Eux-même n’utilisent guère cette technique.

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  3. Encore un article très utile, qui va me servir de référence à l’avenir.

    J’ai malgré tout un souci: tu dis que la narration à la troisième personne focalisée permet d’obtenir une immersion « avec plus de naturel et d’efficacité. » J’ai relu, d’ailleurs, l’article que tu mets en lien et qui contient ton argumentation à ce sujet. Malgré tout, il m’est arrivé d’avoir des conversation avec des autrices ou auteurs à ce sujet, qui me soutenaient que de leur perspective, la narration à la première personne était la plus immersive (« Parce qu’on est directement branché dans la tête du narrateur », disent-ils en général). N’est-ce au fond qu’une question de point de vue ? Que peut-on leur répondre ?

    Et merci beaucoup pour la référence à mon roman !

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    1. Alors, que les choses soient claires : je ne leur réponds rien (ça fait un bail que j’évite d’argumenter sur ces sujets ;)) et évidemment que c’est affaire de point de vue.

      Un auteur pense que la première personne au présent est mieux pour son récit ? Qu’il continue.
      Je sais juste pourquoi *moi* je ne le fais pas :

      1) parce que, même si on est dans la tête du personnage, je ne parviens pas à trouver cela naturel (le côté hypnose que je cite dans l’article : dans ma tête ça sonne faux en permanence, je ne peux pas *croire* à un récit où un personnage décrit ses actions et pensées ainsi de façon clinique, tout simplement parce que personne ne fait ça dans la réalité). Donc, en ce qui me concerne, cela apporte une distance bizarre au récit qui n’aide pas du tout à l’immersion. Mais on est là dans le subjectif et les questions de points de vue.

      2) parce que, au présent, écrire à la première personne n’apporte plus aucun avantage (j’ai listé pourquoi dans l’article, et là ce n’est pas affaire de point de vue, c’est très concret). EN CONSÉQUENCE, puisque écrire à la première personne présente pas mal de difficultés, si cela ne m’apporte plus rien, autant ne pas me compliquer la tâche. Par exemple, il me paraît quasi impossible d’écrire au présent à la première personne sans être mélodramatique lors des moments où le personnage souffre (c’est déjà dur au passé, quand le personnage a un peu de recul sur les événements, mais alors au présent ! Mythcreants « déglingue » régulièrement des fictions young adult sur ce sujet). Autre exemple de difficultés : les conjugaisons et les concordances des temps. Je vois souvent des auteurs buter sur des conjugaisons d’incises de dialogues, parce qu’au présent on rencontre des cas bizarres à la première personne en français. Personnellement, si je peux m’éviter ça, je le fais.

      Si on réécrit l’extrait de Hunger Games à la 3ème personne focalisée, ça fonctionne très bien (selon moi, c’est même bien plus naturel) et force est de constater que retirer la première personne n’enlève rien au texte.
      Mais évidemment, ce n’est que mon avis (bla bla bla :))

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      1. Merci, ta réponse m’aide à faire de l’ordre dans mes pensées. Tes réserves face à la diversité des opinions sont notées, même si à titre personnel, j’estime que toutes les opinions peuvent être exprimées, certaines sont plus étayées, solides, convaincantes que d’autres. Ton éclairage, ici, me paraît plus substantiel que tout ce que j’ai pu lire jusqu’ici comme arguments inverses.

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    2. J’aurais répondu par une question, Julien

      Qu’entendent ces auteurs quand ils parlent d’immersion ? Facilité à rentrer dans l’histoire, l’intrigue ? Immersion dans le point de vue du personnage, dans leurs émotions ?

      Le côté « branché dans la tête du narrateur » me fait plutôt pencher côté point de vue/émotion. N’y aurait-il pas une légère confusion entre les termes d’immersion et identification (au personnage).

      Bon, une identification facilitée participe certainement d’une bonne immersion, mais l’immersion dans un texte ne se limite pas à cela. Même si j’ai moi-même une fâcheuse tendance à mettre tout ça dans le même panier.

      Par exemple, un des beta lecteurs de mon roman a trouvé que mon histoire comportait très peu de descriptions de lieu, elles « l’aident à rentrer dans l’histoire ». Du côté de mes beta lectrices, pas de difficulté à rentrer dans l’histoire.

      Je me dis qu’il y a plusieurs façons de s’immerger dans un texte et que selon nos inclinations on préférera telle ou telle narration. L’omniscient faciliterait les descriptions pour satisfaire mon beta lecteur par exemple. Tandis que ma narration (3e personne focalisée) a fait le job question immersion du côté de mes beta lectrice, ce qui validerait le postulat de départ.

      N’est-ce au fond qu’une question de point de vue, de perspective ? Moi je pense que oui.

      Et voilà, encore un commentaire qui tourne en rond sur ton blog, Stéphane.

      Désolé. Mais, c’était une belle façon de procrastiner, non ? au lieu de faire un retour à Julien sur son Carnation, que j’ai dévoré le mois dernier, ou encore de passer commande de La Brume l’emportera chez mon dealer de bouquin habituel.

      Je suis incorrigible, je sais.

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  4. Salut Stéphane.
    Encore beaucoup de bon sens dans cet article.
    Je viens d’achever un polar de 600 pages de Marin Ledun : Leur âme au diable.
    Je me suis étonné de ce choix du temps de la narration et j’ai eu le privilège d’en discuter avec l’auteur. Il m’expliqua qu’à ses yeux c’était le temps qui apportait le plus d’énergie dans le récit. Effectivement, ça fait le job dans ce livre en particulier.
    Même si sur 600 pages j’avoue que par moment j’avais un peu l’impression d’être traîné sur le sol par les cheveux tellement j’aurais apprécié un changement de rythme.

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    1. J’ai été jeter un œil sur un extrait, pour voir. Visiblement, c’est en omniscient : sans doute le meilleur choix (selon moi) si on tient absolument à écrire au présent (si on sait manier l’omniscient, évidemment). Pas de contrainte technique particulière. Mais en effet sur 600 pages ça doit être intense 😅

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  5. Si je puis me permettre, une réserve et un argument supplémentaire…

    Ton extrait des Héritiers de Michael Roch me ne semble pas idéal pour illustrer la troisième personne focalisée. De mon point de vue, la narration de cette séquence très cinématographique coche toutes les cases de la narration externe (je la compare intentionnellement à une séquence filmée : on a l’impression d’être dans L’Arme fatale ; la caméra est juste posée là, et l’extrait décrit ce que l’on voit).

    Pour en rajouter une couche sur les problèmes que pose la narration au présent, penser au fait que c’est aussi le temps utilisé pour décrire des généralités. Imaginons l’extrait suivant :

    Les océans de notre terre forment un univers mystérieux où s’agite une vie aquatique foisonnante. On y croise la fascinante anémone, le gracieux dauphin et le dangereux requin-tigre. Dans les fonds marin vit un petit crustacé que l’on nomme bernard l’hermite. Il s’avance timidement à la recherche d’une charogne à déguster lorsque soudain une ombre passe.

    On est passé sans ménagements pour le lecteur d’une évocation générique de la vie marine aux aventures spécifiques d’un individu en particulier, tout en conservant le temps présent. Ça pique méchamment les yeux, et pourtant c’est du vécu ; j’ai rencontré ce cas dans un livre publié en auto-édition (j’ai réécrit le passage pour ne pas accabler son auteur·e). C’est certainement aussi une question de talent à savoir changer le niveau de zoom de façon plus fluide pour faciliter la transition ; on pourrait réécrire le passage à l’imparfait qu’il fonctionnerait toujours aussi mal. Pourtant, il me semble que le présent rajoute un petit pourcentage de risque de se planter. En plus, naturellement, de tout ce que tu as si bien signalé. 🙂

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    1. C’est toujours un peu le problème avec les exemples courts que j’utilise dans les articles : ce n’est pas toujours très clair de juger d’une narration sur deux ou trois phrases.
      Mais globalement, on est bien d’accord sur le rendu cinématographique que ça génère (qui est souvent un effet que les auteurs disent rechercher, alors que ce n’est pas souvent un effet souhaitable en littérature, pourtant).
      Quant à ton argument supplémentaire au sujet des généralités, il est très vrai également.

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