« Oui, enfin bon, moi je ne bloque jamais..
— Menteur. »
Dans un vieil article, je prétendais que le syndrome de la page blanche était plus souvent un problème de texte qu’un problème d’auteur. Je n’ai pas changé d’avis : quand tu bloques sur l’écriture d’une scène ou d’un chapitre, ce qui coince ne vient pas de toi ni d’une supposée « panne d’inspiration » mais plutôt d’un souci mécanique de ton récit – disons, au moins neuf fois sur dix.
Bloquer, ça fait partie intégrante du job – c’est le job, quelque part. Se débloquer, c’est transformer une histoire qui ne fonctionne pas en histoire qui fonctionne. J’ai pour cela un listing de questions que je me suis constitué avec le temps. Je me suis dis que l’outil pouvait t’intéresser.
Les toutes premières questions à se poser
À mon sens, ce n’est pas la peine de chercher plus loin si ces trois points ne sont pas limpides dans ton esprit :
1 – Quelle est la motivation du protagoniste dans cette scène ? (que désire-t-il, de quoi a-t-il besoin ?)
2 – Qu’est-ce qui l’empêche d’assouvir ce désir ? (les obstacles) Le ou les obstacles face à lui sont-ils réels ? Est-ce bien le protagoniste qui les surmonte ?
3 – Que risque-t-il de se passer s’il n’obtient pas ce qu’il veut ? Et s’il l’obtient ? (les enjeux)
Tu peux écrire une bonne scène sans ce trio bien connu d’éléments. Si si. Mais si ta scène ne fonctionne pas, commence donc par vérifier et arranger ça. Il n’y a pas souvent besoin d’aller plus loin pour se remettre sur les rails.
Creuser plus profond
Si tu es au clair avec ces trois questions de base et que tu es toujours bloqué(e), que la scène ne fonctionne toujours pas, tu peux questionner les points suivants :
4 – Le personnage est-il bien moteur de l’action ou n’est-il que spectateur de ce qu’il s’y passe ? A-t-il une certaine liberté de choix dans ses actes ? Que décide-t-il dans cette scène ? Qu’est-ce que cela change ?
5 – S’il y a conflit entre plusieurs personnages, ce conflit est-il réel ? Ont-ils de vraies raisons d’être en opposition ? Le conflit n’est-il pas forcé ?
6 – Y a-t-il bien relation de cause à effet dans les événements ? Est-ce que cette scène découle de la précédente et provoquera la suivante ?
7 – Le décor de la scène est-il bien choisi ? Pourquoi doit-elle avoir lieu ici et maintenant ? Qu’est-ce qui caractérise ce décor, quelle ambiance devrait s’en dégager ? Est-ce le cas ?
Prendre un peu de recul
Si tu penses que tous ces points sont ok mais que tu as toujours l’impression de faire fausse route, tu peux essayer de lever le nez de la scène. Le problème est peut-être plus global, lié plus généralement au personnage, au thème ou à ta narration :
8 – Le protagoniste est-il quelqu’un qu’on a envie de suivre ? Est-ce qu’il possède des traits qui attachent le lecteur ? Est-il compétent ? Est-ce qu’il ne fait pas pitié ? N’a-t-il pas trop de bonbons ou d’épinards ?
9 – Le thème de ton histoire est-il clair dans ton esprit ? De quoi es-tu en train de parler exactement ? Le protagoniste est-il bien lié au thème ? Et l’antagoniste ? L’univers du récit ? Le cœur de l’intrigue ?
10 – Tiens-tu bien ta narration ? Si tu es en 3ème personne focalisée, n’as-tu pas créé sans le vouloir de la distance narrative ? Montres-tu au lieu de raconter ? Est-ce le bon personnage de point de vue ? En omniscient, n’aurais-tu pas une meilleure façon de raconter cette scène ? À la première personne, le discours du personnage est-il franc et honnête ?
En ce qui me concerne, il est excessivement rare que j’arrive à la question 10 sans avoir trouvé la cause de mon blocage. Le tout est d’être honnête avec soi-même et de ne pas survoler ces questions : force-toi à répondre « pour de vrai » et à justifier tes réponses (pourquoi pas à l’écrit ? – je le fais parfois quand j’ai l’impression de me mentir à moi-même). Si tu n’y arrives pas, tu as mis le doigt là où ça fait mal.
La meilleure façon de trouver une réponse est encore de bien poser la question. Une fois que tu sais où le bât blesse, alors les idées de solutions affluent. Et, comme par magie, l’envie d’écrire revient.
M’enfin, ce n’est que mon avis.
Tu as d’autres questions que tu estimes utiles ? Ajoute-les en commentaires !
Merci pour cette article, toujours aussi intéressant 🙂
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Reste à aborder le sujet du commentaire blanc : çuilà qui arrive quand on a envie de commenter un billet qu’on apprécie et qu’on sait pas comment rien dire…
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Tu t’en sors pas mal je trouve. 😉
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Vraiment top cette liste!
J’utilisais plusieurs de ces questions sans vraiment en être conscient, mais il y en a quelques unes auxquelles je n’avais pas pensé et qui me paraissent très sensées.
J’ai bien envie de rajouter un petit élément, qui vaut ce qu’il vaut :
Parfois, je bloque parce que j’ai trop d’éléments à concilier dans une même scène. Tel personnage n’est pas censé savoir telle information et pourtant c’est nécessaire pour ma scène, tel autre personnage devrait être là mais il est à 100km du lieu, tel évènement est trop récent et n’a pas encore eu le temps d’avoir les répercussions que j’attendais, etc. En gros, trop d’éléments à gérer pour rester cohérent. Le blocage vient de mon refus de sacrifier la crédibilité du récit.
Ma solution dans ces cas-là? Remettre en question ce que je considérais jusque là comme allant de soi. Tous ces personnages doivent-ils nécessairement figurer dans cette scène? Doit-elle avoir lieu dans cet endroit précis? Tous ces évènements et toutes ces révélations doivent-ils survenir maintenant, ou est-il possible de les répartir sur plusieurs scènes/chapitres? Et parfois, c’est même la scène entière qui peut disparaître. Chercher à simplifier, ça peut aider à prendre de la hauteur, à changer de perspective et à réaliser qu’on se complique la vie pour rien.
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C’est très vrai : on demande souvent bien trop à une même scène. Chercher à faire plus simple est souvent un bon objectif à viser.
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